Hommage à Jacques Perrin

Mon très cher Jacques,
Comment te rendre hommage ? Cette question me taraude depuis l’annonce de ton appareillage. Je me suis dit qu’en relatant mon expérience à tes côtés, le public comprendrait peut-être quel homme unique tu étais.
On s’est rencontré pour la première fois en mai 2006, le lendemain de mes 26 ans. Il était exactement 6h45 du matin dans les bureaux de ta société de production, Galatée. Jacqueline Tabarly, ton amie de jeunesse, t’avait demandé de me recevoir. Je sonne à la porte d’un bâtiment Haussmannien, elle s’ouvre sur ton large sourire et tes cheveux blancs. Tu me tends la main. Tu avais un regard unique, vif et bienveillant, toujours prêt à capturer tous les émerveillements possibles. Ce matin-là, tu reçois un jeune skipper de Pen Duick qui a tout quitté pour réaliser un film. Je te raconte mon projet qui consiste à faire parler Éric qui a disparu en mer 8 ans plus tôt. Tu m’écoutes très attentivement. Tu sembles jubiler quand je te parle de la mer, je ressens en toi une passion féroce pour le vent du large. J’ai la sensation que tu me comprends. En conclusion de cet entretien, dans l’entrebâillement de la porte je me plongerai dans tes yeux et me permettrai une toute dernière question :
– « Jacques, vous allez vraiment m’aider à le faire ce film ? »
– « Oui, on va faire quelque chose. »
Quatre mois plus tard, je recevrais le coup de téléphone tant attendu. Dans le contrat que l’on a signé, tu me donnes six semaines pour faire le montage d’un documentaire pour la télévision. Deux ans plus tard, ce sera finalement un long métrage pour le cinéma. Il n’y avait que toi, Jacques pour permettre et assumer ce mode de création, tu n’avais aucune garantie que j’y arrive. Je ne t’ai même jamais montré un seul de mes précédents films. Tu n’as cherché aucun distributeur avant que le montage ne soit définitif. On a projeté « Tabarly » au dirigeant de Pathé, ils ont aimé et la vie du film a pu commencer, grâce à toi et à ton audace.
En parallèle de la création de mon film, je t’ai vu mener des combats homériques pour réussir à porter ta vision et aller au bout de ton film « Océans ». J’avais l’impression que le stress et les responsabilités te pliaient littéralement un peu plus à chacune de nos rencontres.
Pendant les premiers mois de montage de Tabarly, tu gardais pour mon film un œil lointain et ça me convenait parfaitement. Avec mon monteur, Stratos Gabrielidis, nous sommes arrivés au bout de dix mois à un pré-film de deux heures et trente minutes que je pouvais enfin te projeter. Tu t’es montré déterminant dans ton rôle de guide, de soutien, de maitre conteur. Tu m’as permis de faire des choix, tu m’as formé sans m’obliger, tu m’as influencé tout en respectant mes partis pris, tu m’as soutenu quand d’autres étaient jaloux de n’avoir pas fait ce film. On s’est expliqué, parfois passionnément, sur des intentions que tu défendais mais tu m’as toujours donné la liberté de faire ce que je voulais. Tu as été magistral et je réalise aujourd’hui l’immense privilège que j’ai eu de pouvoir créer avec toi, sous ton aile.Tu te rêvais en marin mais tu ne l’étais pas. Tu etais par contre le plus grand « passeur d’embruns » que j’ai rencontré. Tu ne cessais de t’exalter pour les histoires venues du large et tu avais une capacité exceptionnelle à les retransmettre à quiconque t’écoutait.Après la sortie en salle de Tabarly en juin 2008, je t’ai écrit ma gratitude d’avoir pu « naviguer » à tes côtés. Tu étais mon père de cinéma, mon mentor, mon Capitaine. Sans ta confiance, je ne serais pas l’homme que je suis devenu. Tu as été déterminant comme l’océan l’est dans ma vie. Ma reconnaissance te sera éternelle.
Ta voix unique, tes films et les récits que tu laisses en héritage aux Humains d’aujourd’hui et de demain sont immenses et indélébiles. Par ces quelques mots, je ne parle que de ce que j’ai connu de toi sur une période courte de ton immense carrière, tu étais un grand comédien, un producteur visionnaire et courageux et je garderai de toi cette magnifique volonté que les choses qui nous entourent aient du souffle. Tu parlais souvent de ce souffle nécessaire à la connexion du public avec une histoire.
Tu manques à tous ceux qui ont eu la chance de t’aimer, de t’admirer ou de travailler à tes côtés. Mais une fois que notre tristesse sera noyée, nous n’oublierons pas ce que tu nous as transmis, c’est promis, il y aura du souffle.
Ton sillage est à perte de vue,
L’un de tes fidèles matelots,
Pierre Marcel

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